Une tribu Maasai au pied du Kilimandjaro
En maa, on l’appelle Ol Doinyo Oibor, ce qui signifie “montagne étincelante”. Même en évitant les sentiers battus, il est impossible de se rendre au Kilimandjaro sans rencontrer une tribu Maasai. Légendaire, vêtu de rouge et de bleu, ce peuple d’éleveurs nomade évolue entre le sud du Kenya et le nord de la Tanzanie.
Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, les Maasai sont un peuple très pacifique. Éleveurs de chèvres et de vaches, ils considèrent les animaux sauvages comme l’harmonie de la nature. C’est pourquoi ils ne chassent qu’une seule espèce : le lion. Cette chasse est un rituel initiatiques afin de passer au stade de guerrier. Menacés par l’agriculture et la folie du tourisme, ils sont d’une modernité incroyable, bien que vivant d’une manière très modeste.
Il était très important pour moi, lors de ce voyage sur les mines de Grenat Tsavorite, de les rencontrer. Bien évidemment, je souhaitais éviter les tribus qui reçoivent des touristes, et approcher des familles authentiques. Après de longues heures de route sur ces interminables pistes de latérite, nous sommes finalement accueillis dans un village.
Bien que très éloignés de tout chemin touristique, ma première surprise a été de voir que presque tout le monde parle anglais. Je devrais dire… baragouine. Mais après quelques heures, nous nous comprenons parfaitement. Le chef du campement nous présente à tous les habitants, et nous fait visiter leurs petites huttes qui leur servent de maison. Nous lui indiquons que nous ne sommes pas des “touristes” et que nous souhaiterions vivre comme eux, lors d’une journée.
Un peuple nomade très cultivé
Le jour se lève, et il nous explique que la plus belle chose que nous verrons au Kenya, ce sont les quelques minutes d’ensoleillement du Kilimandjaro. En effet, celui-ci disparaît très tôt le matin dans un amas de nuage, qui y stagne toute la journée. On nous habille de tenue traditionnelle, et commençons la marche vers le mont. La vue est splendide, et nous avons le droit aux explications historiques. Un peu plus tard, nous participons également à leur fameuse danse Maasai, ou l’on saute pieds joints le plus haut possible.
A la fin d’une journée de marche bien remplie, en compagnie d’une dizaine d’hommes, nous sommes de retour au village. Nous rencontrons les femmes, et faisons une photo instantanée tous ensemble. Bien que modernes et possédant des téléphones portables, le principe du Polaroid est inconnu à cette tribu Maasai. Ils sont heureux de recevoir ce cliché, si petit, mais si précieux.
L’un des hommes du village me tend un bout de papier, avec son adresse email, et me demande de lui écrire de temps en temps. Le chef nous explique qu’ils envoient les jeunes à la ville, pour qu’ils apprennent à lire, écrire, et compter. Une bonne moitié continue avec des études supérieures, mais nombreux sont ceux, mêmes diplômés, qui retournent vivre selon leurs traditions ancestrales. Je comprends alors leur niveau de culture élevée. Ils connaissent l’art baroque et contemporain, Léonard de Vinci et Jules Vernes, alors qu’ils vivent au milieu de la savane.
Soirée autour du feu avec une tribu Maasai
Le soir, ils partagent avec nous et tout le campement, une chèvre qui sera cuite au barbecue. Le rituel pour tuer l’animal est ancestral. La nature est sacrée à leurs yeux, et l’animal ne doit pas souffrir. Je m’attends à entendre crier la bête, qui est allongée sur le sol, mais elle ne bouge pas. La lame scintille, et l’animal n’a rien senti.
Ils mettent le sang de côté. Il sera donné en breuvage aux enfants le lendemain matin, mélangé à du lait. On nous explique alors que tout est utilisé : la peau servira pour faire du cuir, les os pour tailler des objets, et tout le reste se mange. Commence alors, autour du feu, un étrange barbecue. La viande est installée sur des pieux en croix, pour une cuisson très rapide.
Pendant ce temps, un homme raconte une histoire en langue maa à des petits garçons, près du feu. Les femmes ne sont pas autorisées dans cette partie du campement.
Découpée, la viande termine sa course dans une grande bassine qui passe de mains en mains. Les abats, la chair, les tendons… Tout y est. Il fait nuit, et je me rends compte de la mauvaise pioche lorsque je commence à mâchouiller quelque chose qui ressemble à un mollusque caoutchouteux.
Nous avons décidé de vivre comme eux pendant une journée, et nous allons dormir comme eux. Le ciel est dégagé, il ne pleuvra pas. Le chef nous indique des peaux de vaches à même le sol, ou nous pouvons installer nos sacs de couchage. Entouré de deux guerriers qui ronflent comme des moissonneuses batteuses, j’ai du mal à m’endormir sur cette terre si dure. Peut être est-ce cette magnifique aventure avec cette tribu Maasai qui me trotte dans la tête, et le silence si parfait qui me perturbe.